Friday, June 15, 2012

Une victoire à consolider

Victoire ? "Normale". Abstention ? Inquiétante. Succès du Front national ? Désormais enraciné. Difficultés si Hollande a besoin, pour gouverner, du Front de gauche ? Evidentes. Il faut bien que j’apprenne à écrire en SMS.

Le dernier point, surtout, m’inquiète et me rappelle un souvenir vieux de 30 ans. En 1981, c’était la fête au "Nouvel Obs", dans l’attente des résultats de l’élection présidentielle. Ce n’était pas que tout le monde aimait François Mitterrand, mais tout le monde - des lecteurs de tout âge, des amis, des acteurs, des écrivains, des universitaires, tous les syndicalistes chrétiens ou cégétistes - avait envie que la gauche revînt.

Beaucoup tenaient des discours qu’on qualifierait aujourd’hui de mélenchonistes, et, sur ce plan, le candidat lui-même en remettait. Les plus nombreux, cependant, les militants derrière Rocard, Edmond Maire et Mendès France, priaient pour que la victoire de Mitterrand ne dépende pas des voix communistes. On était au temps, souvenez-vous, de l’Union de la Gauche et du Programme Commun.

La victoire est arrivée sans le secours des communistes et Mitterrand a joué les indifférents. Il a certes mis des communistes au gouvernement mais cela ne l’a pas empêché de faire ce qu’il voulait. Aujourd’hui, nous avons un capitaine qui n’a pas un goût particulier pour les tempêtes et les affrontements. Il est donc capital que le deuxième tour des élections lui garantisse son autonomie et lui évite d’avoir à combattre, à l’Assemblée, la gauche de la gauche.

Faut-il annoncer un départ en Afghanistan ?

Il n’y a pas de guerre zéro mort. Les attentats suicide n’ont pas disparu. Les Français sont en bonne place dans la liste de leurs cibles. Enfin, les risques encourus par les soldats de l’ONU et particulièrement ceux de la France sont aussi grands, sinon plus, lorsque l’ennemi sait que l’on va partir. La question se pose alors de l’opportunité qu’il y a à annoncer la date d’un départ.

Tout cela met nos chefs militaires dans une situation impossible et François Hollande va connaître là sa première épreuve. Ce n’est pas lui qui a pris les décisions qui nous ont conduits là-bas ? Sans doute. Mais nous sommes engagés dans une coalition avec de nombreux partenaires, et le nouveau président de la République aura besoin, là aussi, de prendre des décisions aussi difficiles que celles qu’exigera l’autre problème majeur de son début de mandat, celui de nos rapports avec l’Allemagne.

La Syrie n'a rien n'a voir avec la Libye

L’idée que l’on puisse trouver, pour la Syrie, une stratégie comparable à celle adoptée pour la Libye est extrêmement discutable. La première raison en est que la Libye n’était ouvertement aidée par personne. Le grand échec de Kadhafi, c’est d’avoir éloignés un par un des alliés qu’il avait eu la naïveté de croire inconditionnels, ou en tous cas solidaires.

Il avait conclu des accords avec plusieurs pays européens, avec les Etats-Unis, et il se voyait à la tête des révolutions d’Afrique noire. Il avait d’excellents rapports avec ses voisins, c’est à dire avec la Tunisie et l’Egypte. Un grand nombre d’ouvriers tunisiens travaillaient en Libye et le nombre de touristes libyens constituait une précieuse ressource pour endiguer le chômage qui sévit dans les deux pays voisins.

Rien n’indiquait dans toute cette région une éventualité d’instabilité, d’agitation et encore moins de révolution. Rien sauf le prodigieux suicide du jeune Tunisien ! En tout cas, et c’est essentiel, les difficultés que connaissaient des pays comme l’Egypte ou, bien sûr, la Syrie n’étaient jamais mises sur le compte de Kadhafi.

C’est exactement le contraire qui se passe en Syrie. C’est dans la composition des ennemis et des amis de ce pays que se trouve le caractère le plus inattendu du conflit. Il y a, d’un côté, les pays que l’on appelle occidentaux, ainsi que la Ligue arabe, qui souhaitent le départ de Bachar al-Assad, et, de l’autre, l’Iran et des géants comme la Chine et la Russie, qui le soutiennent.

Un conflit à la fois local, religieux et international

La vérité est que l’on est en présence, en Syrie, d’un conflit à la fois local, régional, religieux et international. Un conflit local dû à la diversité des ethnies qui composent le pays et dont seule l’autorité d’Assad avait garanti la cohabitation. Mais il y a, d’autre part, le fait que la Russie s’est toujours sentie exclue du monde arabo-islamique, surtout depuis l’échec de sa colonisation en Afghanistan, et qu’elle dispose en Syrie d’une base navale qu’elle juge indispensable à sa présence en Méditerranée. Russes et Iraniens sont en tout cas d’accord sur un point : ils n’ont aucun intérêt à bouleverser la situation syrienne et par extension tout le monde arabe.

La dimension religieuse est également passionnante, dans toute cette histoire. C’est aussi fascinant que si nous assistions soudain à une renaissance de la guerre, de la haine et du sang entre les catholiques et les protestants. Or, il y a en ce moment une ambition de rapprochement entre tous les pays chiites. On sait qu’il y a, depuis les origines de l’islam, un grand schisme qui sépare un peu plus d’un dixième des musulmans – les chiites - des autres, qui sont sunnites. On se massacre au nom de la personne qui doit être considérée comme le successeur du prophète, à savoir, pour les chiites, Ali, le gendre de Mahomet. Des pays comme l’Iran, une partie de la Syrie, une partie du Yémen, le Hezbollah libanais, le Hamas palestinien, constituent, dans la communauté musulmane, une dissidence aussi importante que celle qui avait ensanglanté la France à l’époque de nos propres guerres de religion.


Jean Daniel, Le Nouvel Observateur


3 comments:

tempus fugit à pressa said...
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tempus fugit à pressa said...
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