La victoire de Boris Johnson à la mairie de Londres annonce-t-elle celle des conservateurs britanniques aux législatives prévues d'ici à 2010 ? Elle s'inscrit en tout cas dans un mouvement plus général de droitisation des électorats européens. À Londres, comme en Italie, la droite vient de reprendre le pouvoir. Elle est déjà aux commandes en Allemagne, aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves, au Danemark et aussi en Suède, qui fut longtemps présentée comme un bastion de la social-démocratie. Ce virage à droite vaut également pour l'Europe de l'Est. Des partis conservateurs ou libéraux ont été élus à Varsovie, à Prague, dans les Pays baltes, à Bucarest. Ils ont le vent en poupe en Hongrie, où la gauche au pouvoir bat de l'aile à l'approche des législatives de 2010.
Seule ou presque, l'Espagne semble résister. Mais la réélection de José Luis Zapatero doit beaucoup aux erreurs tactiques commises par ses rivaux de droite lors des élections de mars dernier et à leurs archaïsmes sur les questions de société.
Le phénomène est donc aussi ample que spectaculaire et l'usure du pouvoir, qui vaut notamment pour la Grande-Bretagne, gouvernée depuis 1997 par les travaillistes, ne suffit pas à l'expliquer. «En toile de fond, souligne Georges Mink, directeur de recherche à l'ISP-CNRS, il y a les énormes mutations économiques et sociales, l'affaissement des certitudes idéologiques et l'apparition, depuis la chute du mur de Berlin, de nouvelles menaces comme l'immigration.»
Des transformations auxquelles la gauche n'a pas su apporter de réponse convaincante. Car le succès de la droite se fonde sans doute d'abord sur l'échec du modèle social-démocrate. La mondialisation, explique Corinne Deloy, chercheuse à la Fondation Robert-Schuman, «a rendu caduc le logiciel social. C'est d'autant plus vrai qu'avec la crise économique dans laquelle nous sommes entrés, il n'y a plus rien à redistribuer. Du coup, on fait davantage confiance à la droite pour trouver des solutions aux problèmes qui relevaient de la compétence de la gauche. Par exemple, sur un thème phare tel que le vieillissement démographique des sociétés européennes et le financement des retraites».
Le déclin de la social-démocratie a bénéficié à la droite, mais aussi à des mouvements de gauche plus radicaux. En témoigne la percée d'Olivier Besancenot en France, mais aussi du Parti socialiste aux Pays-Bas, devenu en 2006 la troisième force du pays, du Parti socialiste du peuple au Danemark (13 % des voix aux élections de novembre dernier) ou, mieux encore, de Die Linke en Allemagne (une coalition rassemblant des communistes de l'ex-RDA, des syndicalistes et des socialistes purs et durs).
Si, pour affronter le choc de la globalisation, la droite est apparue mieux armée, c'est aussi qu'elle s'est métamorphosée en misant, selon Georges Mink, sur la «confusion idéologique». Pour mobiliser les électeurs, la droite a su aussi emprunter à la gauche, comme le rappelle Corinne Deloy : «Malgré l'opposition d'une partie de la CDU, Angela Merkel a exploité des thèmes sociaux tels que le statut de la femme, les crèches. La droite, en général, s'efforce d'aménager de manière rationnelle le modèle social défendu par la gauche.»
Elle a aussi cannibalisé des thématiques qui appartenaient traditionnellement à l'extrême droite : la question sécuritaire, la protection identitaire ou l'immigration. En Italie, Gianni Alemanno, le nouveau maire de Rome (Alliance nationale), en est l'illustration. En Hesse, la CDU n'a pas hésité à exploiter des thèmes populistes aux régionales de janvier. Dans les pays ex-communistes, où l'État-providence régnait jusqu'à la fin des années 1980, le phénomène a été encore plus brutal. L'entrée de ces pays dans l'Union européenne en 2004 a coïncidé avec l'apparition d'une droite nationaliste et ouvertement antieuropéenne. Aujourd'hui encore, à Prague, le président Vaclav Klaus refuse de hisser le drapeau européen à côté du drapeau national.
L'analyse d'Arielle Thedrel, grand reporter au service étranger du Figaro.
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