Monday, March 02, 2009

L'Europe centrale, sinistrée, veut adopter l'euro plus rapidement

Les déclarations se multiplient à l'Est, pour demander à l'Union européenne (UE) de "simplifier les procédures d'adhésion à la zone euro", selon les termes du premier ministre polonais, Donald Tusk, quelques jours avant le sommet des Vingt-Sept, à Bruxelles dimanche 1er mars.

Sur les dix pays de la région ayant rejoint l'UE depuis 2004, huit ont toujours leur propre monnaie. Les trois pays baltes ont intégré le mécanisme de change MCE II, antichambre de l'entrée dans la zone. Seules la Slovénie et la Slovaquie ont adopté l'euro, partagé par 16 Etats membres de l'UE.

Depuis la crise, les investisseurs se méfient des pays émergents d'Europe centrale. Les devises locales sont attaquées : le zloty polonais, la couronne tchèque, le leu roumain et le forint hongrois ont perdu respectivement 32 %, 18 %, 17 % et 15 % face à l'euro depuis novembre 2008. En octobre, le forint n'avait pu se redresser que grâce à une aide de 15,7 milliards de dollars (12,4 milliards d'euros) du Fonds monétaire international (FMI). Depuis, la devise hongroise a repris sa chute.

Aujourd'hui, c'est "la Roumanie qui envisage d'en appeler au FMI pour protéger ses réserves monétaires", affirme Christopher Kwiecinski, économiste au Crédit agricole. "Ce pays, comme la Lettonie, a beaucoup changé ces dernières années, note Frank Gill, analyste crédit chez Standard & Poor's. C'est notamment leur secteur privé, avec une trop forte dépendance aux devises étrangères, qui les rend vulnérables." Les sorties de capitaux s'accélèrent. Hongrie et Lettonie sont en quasi-faillite, et les économies les plus solides de la région - République tchèque et Pologne - ne sont plus à l'abri.

Les préoccupations sur la stabilité financière à l'Est sont largement partagées. La Banque mondiale, la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), et la Banque européenne d'investissement (BEI) ont annoncé, le 27 février, un soutien de 24,5 milliards d'euros au secteur bancaire de la région. Les leaders européens ont décidé, le 22 février, de doubler les fonds du FMI pour aider ces pays.

SITUATIONS DIVERSES

Mais le débat sur le rythme de l'adhésion à la zone euro reste ouvert. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, est favorable à une entrée rapide du plus grand nombre possible de pays de l'UE dans la zone euro, tout en rappelant que les candidats doivent s'adapter aux conditions d'adhésion. "Une entrée précipitée, bénéfique à court terme, pourrait décourager à long terme les efforts de réformes de convergence", explique M. Gill.

Les pays de la région n'ont pas les mêmes faiblesses économiques. La République tchèque avait assaini son système bancaire lors de la crise de 1998. Mais au-delà de Prague, l'enthousiasme à vite rejoindre la zone euro est assez général. Le premier ministre hongrois, Ferenc Gyurcsany, est allé défendre à Bruxelles la possibilité d'une accélération du processus d'adhésion de son pays. La Hongrie, qui cumule déficits jumeaux (déficit public et courant), sortie de capitaux et dépendance aux investissements étrangers, a intérêt à multiplier les protections contre les crises de change. En Pologne, le ministre des finances, Jan Rostowski, considère que "rejoindre rapidement l'euro est la meilleure méthode pour lutter contre la crise", comme il l'a souligné, le 19 février, devant son Parlement. L'intégration de la zone euro protège en effet des crises de change, des attaques spéculatives, et libère les firmes du coût des variations monétaires. "En 2008 en Pologne, la plupart des sociétés s'étaient couvertes contre une appréciation du zloty.

Avec la dépréciation intervenue depuis l'été 2008, le choc a été brutal", précise Juan-Carlos Rodado, de Natixis. Quant aux pays baltes, qui ont rejoint le MCE II depuis 2004-2005, l'ouverture de leur économie et la rigidité de leur régime de change amplifient l'impact de la crise tant qu'ils ne sont pas membres de la zone euro.

Mais l'Union économique et monétaire a aussi un coût auquel les Tchèques sont sensibles. Certains estiment qu'ils ont tout intérêt, en période de crise, à conserver la couronne tchèque pour garder les mains libres en politique monétaire. Car même si la dévaluation compétitive perd de son impact dans un contexte de crise globale, la politique de taux de la Banque centrale européenne n'est, elle, pas toujours adaptée aux pays en rattrapage économique.

Anne Rodier - Le Monde – 2/3/2009

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